L’APPROCHE SENSIBLE DES PATRIMOINES, QUAND LE CORPS EST APPRENANT…
Musées, est-ce la fin du… “ne pas toucher“ ?
L’exposition “Prière de Toucher“ actuellement à Lille est l’illustration de la nouvelle attention nouvelle portée au corps et aux sens comme outil d’apprentissage, bouscule et renouvelle la découverte des monuments, des musées et des patrimoines depuis quelques années.
Les interdits – Ne pas toucher – Ne pas s’asseoir – Ne pas manger – ont depuis le XIXe siècle, largement contribué à cantonner la compréhension du patrimoine au seul sens de la vue !
Et les visites que l’on appelle “décalées“ ne le sont en fait pas du tout.
Leur succès est du à leurs pédagogies sensorielles qui ancrent l’apprentissage dans l’exploration avec le plaisir comme moteur.
On est ici au cœur de l’apprentissage de l’homme-animal, incroyable bestiole issue de millions d’années d’Evolution, qui apprend avec tout sa sensorialité.
Il est temps de faire sauter le couvercle et de voir avec nos yeux que les nouvelles scénographies, inspirées des dispositifs réjouissants des parcs à thèmes, les découvertes récentes des neuroscientifiques, les médiations originales menées par des individus libres ou institutions en quête de sens, font que ce carcan historique de la seule approche visuelle et cognitive est en train de voler en éclat.
Descartes épouse Aristote et fait la noce avec la joie de Spinosa !
Dans un apprentissage réussi,
tout passe par nos sens en exploration.
Créer une visite avec l’approche sensible, c’est d’abord offrir aux publics un apprentissage des patrimoines avec toutes leurs intelligences. Un temps où la découverte d’une œuvre commence par une expérience sensorielle, une exploration autonome, puis des ressentis et des émotions qui éveillent les questions, car le visiteur est là pour découvrir.
Ces pédagogies que l’école recommence à utiliser ne sont pas insolites ! Elles sont validées par les neurosciences comme des pédagogies de l’expérimentation, offrant aux publics une approche directe des patrimoines naturels, historiques, culturels…
L’approche sensible crée une rencontre émotionnelle entre l’oeuvre et le visiteur.
“Concevoir l’approche sensible d’un œuvre ou d’un monument, c’est bien pour le faire découvrir et apprendre son histoire, sa création, son créateur, rien d’autre que les objectifs d’une visite guidée classique, explique Bruno TAMAILLON, formateur et créateur d’expériences. Le guide doit cependant parfaitement connaître son sujet, avec des visiteurs éveillés dans leurs ressentis et leurs émotions. Ils auront 1000 questions, car leur corps se sera approché aura peut-être touché, esquissé l’oeuvre et une empathie sera née. Très vite lors de l’exercice sensoriel, le guide voit naître des émotions chez le visiteur devenu acteur de sa visite, et hyper-impliqué car l’approche sensorielle lui fait vivre un point de vue personnel.“
Ci-contre, image d’une formation TAMS avec les Guides Conférenciers des Offices de Tourisme de Normandie – 2022 > Analyse d’une oeuvre avec une palette de bonbons
Tous nos apprentissages se construisent avec notre activité sensorielle.
“Friands des informations que nous captons constamment, notre cerveau engrange, filtre, sélectionne, classe, trie, répartit et ordonne les milliers de stimuli qui nous parviennent sans cesse afin de les rendre hautement signifiants et cohérents avec notre représentation du monde, explique Nicole Mazô-Darné, – Docteur en histoire et maître praticienne en programmation neurolinguistique explique que – dans un passionnant article sur la mémoire et les sens paru dans journals.openedition.org Nos sens sont les véritables portes d’entrée de l’information indispensable à notre activité mentale. Ils sont les supports de la vie. Tout ce que nous savons de notre milieu, tous nos apprentissages sont liés à cette activité sensorielle majeure, essentielle à la gestion cognitive. Nous apprenons grâce à eux. Sans stimulation sensorielle, il n’y aurait pas de vie cérébrale.“
Les 5 sens, une vision limitée de nos capacités sensorielles…
Quand on évoque les pédagogies sensorielles, on nous répond “Ah oui… La visite des 5 sens !“
Cette vision est très réductrice car “le corps possède des terminaisons nerveuses sensibles à la lumière, au son, au toucher, à la pression, à la chaleur, au froid, à la faim, à la soif, à la douleur, à la fatigue et à bien d’autres encore, continue Nicole Mazô-Darné, la mémoire dépend de ces apports sensoriels, elle n’est pas une fonction autonome. Certains récepteurs sensoriels ont des performances extraordinaires. L’homme perçoit la lueur d’une bougie à vingt-sept kilomètres dans des conditions optimales, l’enfoncement rapide de la peau d’une amplitude d’un demi-millième de millimètre est identifié.“
“Lors de nos formations renchérit Bruno TAMAILLON – Tams, il est très courant qu’un stagiaire les yeux bandés dans une église, perçoive un chapiteau ou une statue placée à 3 mètres de lui et en hauteur, objet qu’il n’a aucune chance de toucher“
L’imagerie cérébrale nous fait sortir d’une vision romantique de l’approche sensible
Depuis 10 ans, les laboratoires de neurosciences apportent un éclairage vif et précis sur le fonctionnement cérébral et en particulier sur “comment nous apprenons“.
Il est maintenant démontré que le cours magistral n’est pas une bonne pédagogie pour apprendre. (cf Stanislas DEHAENE du Collège de France – ci-contre).
Lire “la visite conférence remise en cause par les neurosciences“ – article et vidéos
Sandrine, guide-conférencière développe une gamme complète de visites “sensibles“.
Début janvier 2023, France 3 Normandie en a fait sa une en suivant une de ses visites.
Adapter une visite guidée aux Familles, l’expérience RMN Grand-Palais lors de l’expo GRECO en 2020.
Créer une visite multi-sensorielle en famille dans une expo internationale, un vrai défi !
A l’occasion de la rétrospective GRECO qui fut la première grande exposition monographique française consacrée au génie que fut Gréco, l’équipe pédagogique de la RMN Grand-Palais, a souhaité inventer une visite multisensorielle dédiée aux publics familles.
En 2023, au Louvre, la transparence…
Le Musée du Louvre propose actuellement un atelier la représentation des reflets et de la transparence à travers les techniques du dessin adaptées à la carte à gratter.
Photo ©Musée du Louvre